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Interview: Stella Diamant, apnéiste au Wolu

Interview: Stella Diamant, apnéiste au Wolu

© photo: Stella Diamant

J’ai eu la chance de croiser Stella Diamant, une de nos apnéistes qui a accepté de nous raconter son parcours. Passionnée par le monde animal et la mer, Stella a décidé de changer de vie après avoir eu la chance de nager en compagnie du plus grand poisson du monde.
Salut Stella, pourrais-tu te présenter aux autres membres du club?
Alors, par où commencer (rire)… J’ai 32 ans, je suis belge, j’ai vécu la grande majorité de ma vie loin d’ici, en travaillant sur le terrain comme biologiste et depuis 2016, j’ai décidé de lancer un projet de protection des requins baleines.
Rien que ça? Et qu’est-ce qui t’a donné envie de faire de l’apnée?
C’est venu un peu par la force des chose. Au moment de lancer mon projet, j’ai très vite compris que je passerai énormément de temps dans l’eau au contact des animaux. Je me suis donc intéressé à l’apnée, dans un premier temps pour mon boulot, afin d’être plus à l’aise dans l’eau et de pouvoir y rester plus longtemps afin de photographier les requins baleines. Ensuite, j’ai ressenti le besoin de descendre plus profond. J’ai alors décidé de me tourner vers un club qui me permettrait d’améliorer mon aisance au fond de l’eau. Et j’avoue qu’aujourd’hui, la pratique de l’apnée est devenue essentielle pour mon bien être personnel.
Qu’est-ce qui te plait le plus dans cette discipline?
En fait, lorsque je suis au fond de l’eau, je peux faire le vide et profiter pleinement de ce qui m’entoure. Je me sens libre. J’apprécie également la bienveillance et le soutien qui existent entre apnéistes. On est solidaire et on fait toujours attention à l’autre.
Mais pourquoi pas la plongée bouteille? Tu pourrais rester dans l’eau plus longtemps?
Je suis également rescue diver (Brevet PADI). J’aime beaucoup plonger et je plonge parfois pour le plaisir mais plus pour mon boulot car je trouve que ça implique trop de contraintes. C’est encombrant à cause de tout le matos à embarquer, surtout quand on voyage énormément et puis c’est très cher. Ensuite, l’approche avec les animaux n’est pas la même. En apnée, on arrive à être en totale harmonie sans être trop invasif et ça fait toute la différence.
Pourquoi avoir choisi le Wolu comme club?
Pour être honnête, c’est totalement par hasard. Je savais que je rentrerais en Belgique fin 2019, un peu avant la crise Covid . Il fallait que je trouve un club pour continuer à m’entrainer en Belgique et j’ai contacté sur Facebook Happy Freediver Inside qui m’a menée jusqu’au Wolu. J’étais très impressionnée par le niveau des apnéistes. Au début, j’avais beaucoup de difficultés en apnée statique, c’était très compliqué pour moi, mais après plusieurs entraînements, j’ai réussi à me détendre. Le club m’a permis de rester au contact de l’eau, de me recentrer sur moi-même et de participer régulièrement aux entraînements. Aujourd’hui, l’apnée est devenue une pratique indispensable et essentielle pour mon bien être physique et psychique et j’avoue être de plus en plus tentée par l’approche compétitive de la discipline. D’un point de vue social, le club m’a rendu la vie bruxelloise un peu plus sympathique 🙂
Est-ce que tu as déjà participé à des sorties club?
Oui. C’est la partie que je préfère, plonger à l’extérieur, je participe souvent aux sorties club. Mais ça reste compliqué pour motiver les gens. Il fait froid, il faut conduire (parfois loin) et la visi n’est pas toujours au rendez-vous. Cela dit, on est de plus en plus d’apnéistes à sortir le week-end en carrière en plein milieu des bouteilleux 😉
À quand remonte ta dernière plongée?
La semaine passée aux Trois Fontaines. Il y a des sites magnifiques en Belgique.
Dure! Quel est ton plus beau souvenir en apnée ?
J’en ai beaucoup! (rire). C’était sur l’Ile de la Réunion lorsque j’ai eu la chance de nager avec un bébé baleine à bosse. Sous le regard protecteur de sa maman qui n’était pas très loin, il a accepté de jouer avec moi. On s’amusait à monter et descendre comme ça pendant pas mal de temps, c’était magique. Après plus d’une heure passée avec lui, on a dû me sortir de l’eau (rire). C’était un moment incroyable. C’est ce genre de moments qui me pousse à m’entraîner encore plus afin de rester plus longtemps avec les animaux.
Aurais-tu un conseil à donner à un apnéiste qui débute?
L’apnée est une exploration constante de son corps et des sensations qu’elle procure. Certains blocages ou soucis physiques ne peuvent se résoudre que par l’entraînement et l’écoute de soi. C’est une thérapie à long terme sur soi-même, il faut parfois persévérer et être patient.
Quel est ton pire moment en apnée?
C’était à Madagascar. Je plongeais en apnée avec une équipe télé. Je n’ai pas réussi à compenser comme il le fallait et lorsque j’étais un peu trop profond dans l’eau, j’ai finalement compensé, mais trop fort… Ça a fait un gros boum dans ma tête et j’ai ressenti une douleur atroce. J’ai cru que ma saison était foutue. Heureusement pour moi, plus de peur que de mal.

© photo: Stella Diamant

Et si on parlait de Madagascar Whale Shark Project ?
Oui!!! Tout a commencé en 2014. J’avais 26 ans. J’étais à la recherche d’une idée qui me permettrait de combiner la biologie marine, la protection des animaux et pouvoir aider les gens et la communauté. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui la biologie de la conservation. Une discipline pas encore très répandue en Europe. Je suis retournée à Madagascar, où j’avais déjà travaillé en 2011, pour faire un break entre deux boulots. À l’époque, je saturais un peu et ne savais pas trop vers quoi orienter ma carrière. C’est durant une plongée que j’ai fait la rencontre avec le plus gros poisson du monde: le requin baleine qui est aujourd’hui en voie d’extinction. Je me suis dit: “c’est fou que ce truc existe encore” (rire). C’est à ce moment-là que j’ai eu l’idée de lancer un projet pilote afin de recenser le nombre de requins baleines sur une période de trois mois au Madagascar. Au début, je voyais ça plutôt comme une pause me permettant de travailler sur un projet d’étude et de pratiquer l’apnée. Je n’imaginais pas l’ampleur que cela prendrait! C’est assez surprenant mais la première année, nous avons recensé plus de 100 spécimens sur une période de trois mois. J’ai donc décidé d’approfondir l’expérience et de lancer un projet de plus grande ampleur. Il m’a fallu trouver des partenaires de financement, des permis de recherches, du staff. C’était très difficile mais en 2016 naissait le Madagascar Whale Shark Project.
Madagascar Whale Shark Project, en quelques mot, c’est quoi?
C’est un projet collaboratif de recherche et de conservation de l’espèce axés sur trois aspects:

  1. La recherche, afin d’en apprendre plus sur les requins baleine.
  2. La conservation de l’espèce, grâce à la mise en place un code de conduite et le soutien d’initiatives de gestion locales.
  3. l’éducation, par la mise en œuvre de programme scolaire dans les écoles mettant l’accent sur l’importance de préserver la biodiversité.
    Jusqu’en 2020, on fonctionnait sur un modèle d’éco-tourisme en collaboration avec des opérateurs au Madagascar. En échange de la formation de leurs marins et de sessions d’information dédiées à leurs clients, les opérateurs nous offraient la possibilité d’utiliser leurs bateaux gratuitement à des fins scientifiques. Cette collaboration fonctionnait très bien jusqu’à ce que la crise covid éclate (hic). Certains opérateurs ont alors dû fermer boutique et nous avons été contraints de mettre en pause les différents projets sur place. La reprise des activités touristiques qui se profile enfin à l’horizon nous permettra, je l’espère, de redémarrer certains nos différents projets. C’est un peu comme si nous devions repartir à zéro, car l’économie sur place s’est totalement effondrée. Ça fait partie des aléas de ce genre de projet. Il faut constamment se battre pour arriver à construire quelque chose et c’est l’un des aspects qui me plait !

Pourquoi avoir choisi le requin baleine et pas un autre animal ?
Un peu par hasard. La rencontre en 2014 y est certainement pour quelque chose. Il s’agit d’un animal magnifique, immense et dénué d’agressivité. Il est un atout clef pour sensibiliser les gens à la cause des requins. De plus, protéger le requin baleine, c’est protéger tout un écosystème très riche autour de l’animal.
Il s’agit d’un animal rempli de mystères. Le requin baleine peut descendre à plus de 2000 mètres de profondeur. Il est donc très difficile de le suivre. On ne sait d’ailleurs toujours pas où il se reproduit, ni où il met bas et ni même où il se déplace précisément.
Es-tu capable de les reconnaître?
Nous en avons recensé plus de 400 et oui, je peux facilement en reconnaître près de 300. Dès que je les vois passer, je sais de qui il s’agit. Je leur ai donné un nom à chacun! Octave, Rodolphe, Dorothée… Ça me permet de créer des liens avec eux et surtout c’est plus facile de se souvenir de noms que des codes qu’on leur attribue.
Comment pouvons-nous venir en aide à la fondation?
En faisant un don! Tout simplement (rire). Il s’agit d’un soutien financier indispensable afin de relancer tous nos projets à Madagascar. Il est possible de le faire directement en ligne. (https://www.madawhalesharks.org/get-involved/make-a-donation/)
Il existe également la possibilité pour ceux qui le souhaitent d’adopter un requin baleine. C’est une manière un peu plus symbolique de soutenir la fondation en recevant un certificat d’adoption de l’animal.
Nous avons aussi lancé récemment une nouvelle plateforme d’information (Patreon) proposant différents contenus à laquelle il sera possible de s’abonner en échange d’une formule d’abonnement.
D’autres projets de financement sont en cours de développement et verront bientôt le jour. Ils seront présentés sur notre site: https://www.madawhalesharks.org
Souhaiterais-tu faire passer un message à nos lecteurs?
Je ne sais jamais comment le formuler mais je pense qu’il faut une réelle prise de conscience de la part de tout le monde. Les océans sont fragiles et il est vital de les protéger. En tant que plongeurs et apnéistes, nous sommes naturellement des ambassadeurs et nous avons une responsabilité. Plonger sans se soucier des problèmes actuels, de nos jours c’est inacceptable. Investissez-vous! Soyez de réels ambassadeurs éco-responsables. Cela va de la crème solaire jusqu’à l’implication dans un projet bénévolat. N’hésitez pas à participer à des projets et si vous n’avez pas le temps de vous investir, soutenez des projets qui existent déjà. Les associations ont besoin de sous. Il en existe également en Belgique et en quelques clics il est possible de les soutenir. Cela doit aller de pair avec nos loisirs sous-marins.
Merci Stella pour cette chouette interview! Tu nous as fait découvrir ton univers, tes passions et tes projets. Je suis content d’apprendre que tu retourneras rapidement au Madagascar pour reprendre les activités de la fondation. Ton optimisme et ta détermination sont des moteurs essentiels pour l’avenir de notre planète.

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